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An extract from the newsletter of the Belgian "Conseil Central de l'Economie" (Lettre Mensuelle Socio-économique, no96, September 2004, p.3-34), mentioning my conference of June 18, 2004, in Brussels.
A good summary of my theory (p.1-7), with the speeches made in reaction by M. Loriaux (p.8-14, shortcut), M. Englert (p.15-18), C. Gobin (p.19-33) and in the end the general conclusions (p.34).

Papers by same author on this site:
–Michel Loriaux:  Paper 1  Conference and Debate at Central Council for Economy (Belgium)   (Jun 2004)
–Michel Loriaux:  Paper 2 "La Gestion économique et sociale de la pyramide des âges", dans: Démographie, Analyse et Synthèse.   (Jun 2006)
–Michel Loriaux:  Paper 3  Sur la solidarité intergénérationnelles et la cohésion sociale, à la Fondation Baudoin.   (Nov 2006)

From the internet version: Nov 2004. PDF file. Source.
The Failure of Pension Systems
Cosandey



NUMERO
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AVENIR DE NOS RETRAITES - Débat autour d’un livre controversé
VIEILLISSEMENT - Le Conseil Supérieur des Finances se veut rassurant
LE CCE EN SLOVAQUIE - Un voyage instructif
NUMERO
96
Mensuel
septembre
2004
Bureau de dépôt 1040 Bruxelles 4
P 302107
BC 5856
ne paraît pas en juillet

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septembre 2004
NUMERO
DÉBAT
l’avenir de nos retraites
3
“la faillite coupable des retraites
4
pour un nouveau contrat entre générations
8
la natalité ne peut tout résoudre
15
“faux problèmes et vraies solidarités”
19
réactions des partenaires sociaux
34
VIEILLISSEMENT
un rapport qui rassure
35
ÉLARGISSEMENT
voyage d’étude en Slovaquie
39
ACTUALITÉS
conseil central de l’économie
47
autres organes de concertation
49
> Comité d’accompagnement :Robert Antonissen, Michel Davreux, Luc Denayer, Ton Harding, Paul Henriet, Ada Jacobs,Viviane
Van Uytven
> Rédaction : Marie Baudour, Olivier Belle, Corinne Gobin, Ton Harding, Paul Henriet, Michèle Pans, Rob Vandeweyer
> Secrétariat de rédaction :Alain Cabaux
> Traduction : Jan Lambert
> Mise en page : Simonne Loison
> Impression : José Marquez y Sanchez
> Site Web : www.ccecrb.fgov.be
> Éditeur responsable : Ton Harding, Avenue de la Joyeuse Entrée 17-21, 1040 Bruxelles
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Conseil Central de l’Economie
3
DÉBAT
Dans le but de faire progresser la réflexion en matière de systèmes de sécurité sociale, et en
particulier en matière de systèmes de retraites et de pensions, thématique qui figure à l’agenda
politique, le secrétariat du Conseil central de l’économie a organisé, le 18 juin 2004, un lunch-
débat autour du livre de David Cosandey, « La faillite coupable des retraites : Comment nos
assurances vieillesse font chuter la natalité ? »
1
. Dans un premier temps, l’auteur a exposé
brièvement les thèses de son essai. Ensuite, le démographe Michel Loriaux (du SPED, l’Institut de
Démographie de l’UCL), l’économiste Michel Englert (Conseiller au Bureau fédéral du Plan) et la
sociologue Corinne Gobin (directrice du GRAID, Institut de Sociologie de l’ULB) ont fait valoir leurs
points de vue critiques sur cet ouvrage. Enfin, les interlocuteurs sociaux ont commenté la
problématique du vieillissement en général et les thèses que David Cosandey (Docteur en physique
théorique, il travaille à la Banque cantonale de Zürich) défend en la matière. On trouvera dans le
dossier qui suit un large aperçu de cette rencontre.
L’avenir de nos retraites
1
« La faillite coupable des retraites. Comment nos assurances vieillesse font chuter la natalité ? », Editions L’Harmattan, collection
« Questions Contemporaines », Paris, 2003, 165 pages.

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
DÉBAT
Nous publions dans les pages qui suivent un résumé de l’ouvrage de David Cosandey tel que
l’auteur l’a présenté à la réunion du 18 juin dernier.
UN CERCLE VICIEUX
Nos systèmes de retraites provoquent la dénatalité : ceux qui n’ont pas ou peu d’enfants, touchent
la même retraite que ceux qui ont beaucoup d’enfants. En retour, la dénatalité ruine ces systèmes
en un tragique cercle vicieux : pour que les retraites soient financées et payées, il faut qu’existe une
nouvelle génération.
Pour arrêter ce cercle vicieux, il faudra réformer nos retraites « aveugles » (indifférentes au
nombre d’enfants) pour en faire des systèmes « clairvoyants », c-à-d. : d’une part, prendre en
compte dans le calcul de la retraite le nombre d’enfants élevés ou entretenus par l’affilié ; d’autre
part, mettre en place une structure permettant à tous, (aux parents comme aux non-parents) de
contribuer à la nouvelle génération de façon à avoir droit à une retraite aussi.
Une telle réforme a commencé en toute discrétion en Allemagne avec la retraite facultative Riester,
lancée en janvier 2002, qui prend en compte le nombre d’enfants dans le calcul de la retraite.
Une fois la décision prise de passer aux retraites « clairvoyantes », une période de transition de
trente à quarante ans devra être appliquée.
L’AMPLEUR DU PROBLÈME
L’importance de l’enjeu est tel - le pourcentage de la richesse nationale absorbé par le paiement
des retraites, les flux d’argent allant chaque année aux retraités et les fortunes amassées par les
systèmes de capitalisation sont tellement colossales - que les populations réagissent nerveusement
(à travers de manifestations et de grèves) au moindre changement.
Nos systèmes de retraites ont brisé le lien de solidarité réciproque qui unissait les générations
pendant des années : nous vous nourrissons, logeons, éduquons et protégeons pendant votre
enfance en échange de quoi vous nous entretenez, soignez et protégez pendant notre vieillesse.
Nos systèmes de retraites souffrent d’un travers fondamental. Ils calculent le droit à recevoir une
retraite à partir du nombre d’années passées à cotiser pour les plus vieux, alors que la seule chose
qui peut servir de base de calcul pour les retraites futures, c’est ce qu’on a donné à la jeune
génération qui devra payer pour nous plus tard.
Nos systèmes de retraites ont supprimé la retraite traditionnelle, qui avait des limitations de tout
système coutumier et familial (en cas de décès accidentel de leurs enfants ou en cas de conflits
familiaux, les parents se retrouvaient privés de leur garantie vieillesse), mais qui fonctionnait
selon un principe équitable. Ils ont introduit un mécanisme discutable, faussant les échanges
«La faillite coupable des retraites»

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intergénérationnels (dans lequel les contributeurs (les parents) doivent payer pour les non-
contributeurs (les non-parents). Ils font de « donner aux plus vieux » la condition de « recevoir des
plus jeunes » alors que c’est « donner aux plus jeunes » qui devrait conditionner « recevoir des
plus jeunes »
1
.
La retraite que les travailleurs reçoivent, n’est pas (comme cela nous a été inculqué) le
remboursement des cotisations qu’ils ou elles ont payé pendant leur vie professionnelle, mais de ce
qu’ils ont donné à la génération suivante en nourrissant, soignant, éduquant et protégeant les
enfants dont ils/elles ont la charge, les leurs ou ceux de leur conjoint.
Dans leur mode de fonctionnement actuel qui consiste à négliger les contributeurs (les parents) et
à favoriser les non-contributeurs (les non-parents),nos systèmes de retraites sont condamnés à
sombrer.
Un bref survol historique de la France, l’Allemagne, laSuisse, l’Espagne et les États-Unis montre
que chaque fois que les retraites sous leur forme actuelle (càd. indifférentes au nombre d’enfants)
ont été renforcées, la natalité a baissé et vice-versa.
LES FONDS DE PENSION MENACÉS EUX AUSSI
Les systèmes de retraites par capitalisation « aveugles » n’offrent aucune alternative au désastre
programmé (la faillite) des systèmes de retraites par répartition « aveugles » parce qu’ils sont eux
aussi vulnérables au déclin démographique. Le succès des systèmes de retraites par capitalisation
dépend de la croissance économique, elle-même dépendant du nombre de naissances.
Qu’ils soient par répartition ou par capitalisation, pour fonctionner, les systèmes de retraites ont
tous besoin d’une classe active, plus concrètement, d’une vague d’arrivées sur le marché du travail
au moins équivalente à la vague des actifs partant à la retraite : il ne peut exister des rentiers que
s’il existe des travailleurs. L’existence d’une nouvelle génération est une condition sine qua non
pour que la génération précédente puisse jouir d’une période inactive, d’une retraite, quel que soit
le mode de prévoyance choisi.
Les systèmes de retraites faisant abstraction de cette vérité fondamentale – càd. nos systèmes de
retraites « aveugles » faisant fondre la nouvelle génération- sont voués à l’échec. Ils obligeront les
futurs vieux (ayant payé des cotisations pendant toute leur vie professionnelle), soit à travailler
jusqu’à l’âge de 70, 75 ans, soit à passer leur vieillesse dans l’indigence.
1
« Donner aux plus vieux » veut dire « donner à la génération précédente en prenant soin de ses vieux parents devenus faibles »
« Recevoir des plus jeunes » veut dire « recevoir de la génération suivante en étant pris en charge». « Donner aux plus jeunes » veut
dire « donner à la génération suivante, en nourrissant, soignant, éduquant et protégeant les enfants dont il/elle a la charge, les siens
ou ceux de son conjoint ».

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
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LES STRATÉGIES INEFFICACES
Les mesures le plus souvent proposées pour répondre à la crise des retraites sont inefficaces. Il
n’est guère recommandable de :
- Élever l’âge de la retraite pour deux raisons. La première raison est que cette mesure punit tout
le monde (les parents comme les non-parents) pour une évolution dont tout le monde n’est pas
responsable : les parents ne sont pas responsables pour la chute de la natalité. La deuxième
raison est que cette mesure est désagréable : nous préférons tous avoir le droit d’interrompre
notre labeur à l’âge prévu.
- Élever les impôts sur les personnes et/ou la consommation parce que c’est une mesure injuste.
Elle frappe plus durement les personnes avec enfants (qui sont les moins coupables de la crise
des retraites) que les autres.
- Augmenter la productivité du travail pour trois raisons. La première raison est que s’appuyer
sur une prévision optimiste du progrès technologique (dont découle la croissance de la
productivité du travail) étalée sur plusieurs décennies, est quelque peu hasardeux. La croissance
de la productivité du travail prévue peut très bien ne pas survenir. La deuxième raison est que
cette mesure peut conduire à davantage de grèves et de conflits sociaux. Rien ne dit que les
actifs comme les inactifs, se satisferont du même niveau de vie pendant trente, quarante ans.
Rien ne dit que tout le monde renoncera tranquillement à toute augmentation de son pouvoir
d’achat. La troisième raison est que le progrès technologique permet non seulement la croissance
de la productivité du travail, mais aussi l’allongement de la durée de vie qui entraîne des
retraites supplémentaires à payer.
- Augmenter le taux d’emploi en réduisant le taux de chômage, en faisant entrer davantage de
femmes sur le marché du travail et/ou en réduisant le travail au noir parce que ces mesures
reportent le problème (la crise des retraites) pour l’amplifier ensuite. Ces mesures font gagner
du temps en gonflant un temps le flux des cotisations payées à la sécurité sociale, mais font
ressurgir le problème amplifié plus tard, lorsque la masse supplémentaire de cotisants rejoint
à son tour la classe des inactifs, sans avoir eu davantage d’enfants et probablement en en
ayant eu moins.
- Recourir à l’immigration pour deux raisons. La première raison est que cette mesure ruine toute
solidarité intergénérationnelle. Pendant leur vie active, les travailleurs immigrés appelés au
renfort des retraites entretiendraient les parents des autres (lisez : d’une collectivité dont leurs
parents ne font pas partie) en non leurs parents. Pendant leur vieillesse, ils vivraient aux
dépens des enfants des autres à qui ils n’auraient rien donné. La deuxième raison est que cette
mesure n’apporte qu’une aide temporaire au problème (la crise des retraites). Une fois les
nouveaux arrivants intégrés à l’économie formelle et déclarée en occupant des emplois bien
rémunérés (càd. une fois qu’ils commenceraient à payer des cotisations dignes de ce nom), ils
se mettraient à réduire leur taux de fécondité et il faudrait réimporter une nouvelle vague de
main-d’œuvre.
«La faillite coupable des retraites»

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- Investir dans des portefeuilles d’actions et d’obligations de pays en développement à forte
croissance économique parce que cette mesure est trop hasardeuse. Y recourir pour quelque
chose d’aussi important que les retraites de millions de personnes au mépris du risque politique
(de guerres) et financier (de catastrophes financières) est très hasardeux. La situation peut
changer trop rapidement.
- Revenir furtivement au système traditionnel où les enfants devenus grands entretiennent
personnellement leurs vieux parents en remerciement d’avoir été pris en charge pendant leur
propre enfance (c-à-d. suivre la voie américaine) parce que cette mesure abroge la retraite
institutionnalisée supervisée par l’État qui est synonyme de progrès social : elle offre une
garantie pour les parents ayant perdu leurs enfants ; elle permet une certaine redistribution
des revenus ; elle évite la promiscuité entre les générations, etc.
VERS UN RÉTABLISSEMENT DE LA SOLIDARITÉ ENTRE LES GÉNÉRATIONS
En définitive, les gouvernements auront le choix. Ou bien, les gouvernements continuent à appliquer
les mesures analysées au chapitre précédent et ils ne feront qu’accompagner les systèmes de
retraites dans leur descente aux enfers avec comme résultat final: primo, la disparition de la
retraite institutionnalisée ; secundo, que tous les futurs vieux devront soit continuer à travailler
jusqu’à l’âge de 70,75 ans, soit passer leur vieillesse dans l’indigence.
Ou bien, les gouvernements s’attaquent au problème (la crise des retraites) en passant aux
systèmes de retraites « clairvoyantes », systèmes de retraites qui récompensent l’investissement
en capital humain, càd. les efforts et dépenses importants que représentent la mise au monde,
l’éducation, le logement, l’habillement, les soins pendant l’enfance.
Pour s’y prendre en pratique dans le cas de la répartition, l’auteur envisage deux variantes plus (la
variante « alpha ») ou moins (la variante fusion « cotisations-retraites » et « allocations-en-
fants ») éloignées des systèmes actuels.
Une réforme des retraites vers plus de « clairvoyance » a peu de chances d’être aisément acceptée.
Pour passer aux retraites « clairvoyantes », il faudra que population et autorités soient
préalablement convaincues de leur légitimité. Les citoyens devront admettre que ce à quoi ils ont
crû pendant des décennies (que « cotiser durant la vie professionnelle suffit pour toucher une
retraite », ou que, « payer pour la génération précédente suffit pour recevoir de la génération
suivante ») était erroné. Les décideurs politiques devraient rectifier le fonctionnement actuel de
nos systèmes de retraites en tenant compte également de l’investissement en capital humain (càd.
des énormes efforts et dépenses que représentent la mise au monde, l’éducation, le logement,
l’habillement, les soins pendant l’enfance) dans le calcul de la retraite.

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
DÉBAT
Le secrétariat du Conseil central de l’économie a demandé à Monsieur Michel Loriaux ( Institut de
démographie- UCL) de commenter en tant que démographe la thèse de David Cosandey. Voici la
retranscription de son intervention dans le débat.
J’ai trouvé très intéressante la thèse de David Cosandey, même si au départ, j’ai cru y être
totalement opposé.
Après une lecture plus en profondeur, j’admets volontiers qu’il s’agit d’une thèse qui a le mérite
d’être originale et audacieuse, voire fortement provocante, à une époque où, en matière de retraites
notamment, l’audace n’est pas ce qui caractérise le plus les débats et où les propositions
d’aménagement des systèmes actuels sont, pour la plupart, frappées du sceau de la pensée unique
et relèvent plus du rafistolage que de véritables réformes.
L’originalité bien sûr c’est notamment de soutenir que ce sont les systèmes de retraite qui ont
provoqué la chute de la natalité et non l’inverse comme il est communément admis. Mais j’y
reviendrai.
Par contre, il y a une deuxième caractéristique dans le discours de M. Cosandey que je trouve
fondamentale et que je partage entièrement : c’est la nécessité de rétablir - disons de maintenir,
si on préfère - la solidarité entre les générations. Mon raisonnement à ce propos n’est sans doute
pas entièrement similaire au sien, mais je pense en revanche que les sociétés vieillissantes,
précisément parce qu’elles sont vieillissantes, et donc plus fragilisées dans certains segments de
leur population, on un besoin impératif de solidarité, et en particulier de solidarité
intergénérationnelle.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles n’ont jamais été aussi intergénérationnelles qu’elles ne
le sont aujourd’hui, en ce sens qu’il existe des générations, souvent nombreuses, dans un intervalle
d’âges de plus en plus grand, allant de 0 à 100 ans et au delà. Mais surtout, ces générations sont
extraordinairement différentes, parce qu’elles ont été socialisées à des époques elles-mêmes très
différentes, et qu’elles ont développé des valeurs et des modèles culturels eux-mêmes fortement
différenciés en fonction des événements vécus et des contextes, l’accélération de l’histoire n’ayant
rien changé de ce point de vue.
Résultat : gérer nos sociétés multigénérationnelles (et de surcroît multiculturelles) est devenu un
véritable casse-tête politique, si on veut bien admettre qu’une gouvernance doit viser à satisfaire
de façon optimale les besoins et les aspirations de tous les citoyens, quels que soient leur âge, leur
sexe, leur catégorie sociale ou leur rattachement culturel.
Or, jamais une telle diversité n’a été rencontrée dans l’histoire passée des pays occidentaux, ce qui
veut dire que l’expérience du passé ne nous servira pas à grand chose et que tout devra être
réinventé et renégocié au niveau de nos modes d’organisation et même souvent de nos institutions.
Pour un nouveau contrat entre générations

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C’est à ce titre d’ailleurs que je trouve intéressant l’essai de M. Cosandey, puisqu’il n’hésite pas à
envisager des réformes en profondeur qui contrastent avec l’affligeante timidité de la plupart des
propositions de nos experts ou de nos hommes politiques.
LE VENT DE LA LIBERTÉ
Mais si j’insiste autant sur l’importance de la solidarité intergénérationnelle, c’est bien non
seulement parce qu’elle me paraît la clé de voûte de notre édifice sociétal, mais surtout parce
qu’elle me paraît menacée quotidiennement et de plus en plus dans ses fondements élémentaires.
Et le paradoxe est aussi très fort, puisque c’est au moment où la solidarité entre générations se
révèle la plus nécessaire (à cause du vieillissement et de ses effets indirects) qu’elle est battue en
brèche, désavouée de partout et dénigrée, au nom de prétextes le plus souvent fallacieux.
Le vent de liberté, et surtout l’individualisme exacerbé qui a soufflé sur nos sociétés occidentales,
y a grandement contribué, en créant le sentiment que la protection du groupe ou de la communauté
était moins nécessaire à partir du moment où les besoins essentiels - et même ceux pas du tout
essentiels étaient assurés - ou les grands risques couverts, laissant ainsi à chacun la possibilité de
gérer sa vie de façon autonome, en s’affranchissant des contraintes collectives.
Malheureusement, il s’agit pour la plupart d’une illusion qui ne résiste pas à un examen des
situations réelles et le drame est sans doute accentué par le fait que les solidarités actuelles sont
devenues étatiques et anonymes et qu’elles ne sont plus perçues comme le résultat des liens de
solidarité tissés entre les générations par la mise en œuvre des systèmes de protection sociale.
Toutes les tentatives actuelles de développer des seconds ou des troisièmes piliers pour financer les
retraites, d’encourager les formules assurancielles privées, de remplacer partiellement ou totalement
les systèmes dits de répartition par des systèmes fondés sur la capitalisation, sont des façons
insidieuses de porter atteinte au principe de solidarité intergénérationnelle, même si le bon sens
commun énonce qu’il est raisonnable de diversifier les modes de financement pour ne pas, comme
on le dit pudiquement, mettre tous ses œufs dans le même panier. Comme si une raison aussi
essentielle que maintenir la solidarité entre génération pouvait être mise dans la balance avec des
arguments techniques comme le rendement actuariel.
Et le pire est sans doute que beaucoup d’assureurs ou de banquiers se font les complices de cette
conspiration anti-solidaire en encourageant les jeunes à rompre la chaîne de la solidarité
générationnelle en leur ventant les mérites des formules assurancielles privées, mais en oubliant
de rappeler que ces formules sont soumises aux aléas de la conjoncture et aux risques des crises
financières. Mais surtout, ils ne disent jamais que devant l’allongement de la durée de vie moyenne,
le plus grand risque est de ne pas pouvoir accumuler à titre individuel une épargne suffisamment
importante pour garantir une prise en charge pendant les 30 ou les 40 années que représentera
probablement la phase de retraite pour les nouvelles générations.

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Mais j’en reviens aux analyses et aux propositions de David Cosandey.
LA NOUVELLE FAMILLE
J’ai du mal à le suivre en ce qui concerne la liaison qu’il établit entre la baisse de la natalité et la
faillite des retraites, ou même entre l’évolution démographique et l’évolution économique. L’idée
d’une sorte de circularité de la natalité vers les retraites avec retour sur la natalité peut paraître
intellectuellement séduisante mais je la trouve néanmoins exagérément monolytique.
Pour moi, il serait trop simpliste d’admettre que la natalité a baissé à partir du moment où
l’instauration des systèmes publics de retraite aurait rompu le lien naturel entre les générations et
encouragé les couples à renoncer à un effort reproductif. L’idée de « prendre sans donner » et de se
réfugier dans un comportement égoïste de consommateur hédoniste, au détriment de l’investissement
dans les enfants, a sans doute pu intervenir dans la baisse de la fécondité et de la natalité, mais
cet argument ne peut manifestement pas suffire à en rendre compte à lui-seul.
Je suis d’ailleurs soupçonneux depuis toujours à l’égard de ce genre de raisonnement causaliste,
quel qu’il soit, lequel implique un déterminisme relativement strict, même s’il s’inscrit dans une
causalité multiple. Je préfère pour ma part lui substituer une approche globale et systémiste
partant du principe que les comportements démographiques sont des faits sociaux qui ne prennent
leur signification pleine et entière que s’ils sont resitués dans la globalité des mutations des
systèmes sociaux dans lesquelles ils s’insèrent.
Je suis d’accord avec M. Cosandey lorsqu’il déclare que ce n’est pas la pilule contraceptive ou
d’autres raisons techniques du genre qui explique le recul de la fécondité, mais il a existé un
ensemble de facteurs historiques convergents qui ont contribué à modifier les comportements
procréateurs et l’instauration des systèmes de protection sociale n’est qu’un élément parmi d’autres
de ces mutations sociétales qui ont accompagné la révolution industrielle.
Parmi les autres éléments, on peut certainement évoquer les changements de la condition féminine
et la participation accrue des femmes à l’économie, la diminution de la mortalité infantile et la
préférence pour des enfants de « qualité » plutôt que pour des enfants « en quantité », les
transformations en matière d’union conjugale avec la percée des unions libres, sans parler de la
vague de divortialité, etc.
Bref, c’est toute la famille, avec la place occupée par ses différents membres et ses finalités, qui
a subi des mutations profondes et qui a été reprogrammée en fonction des nouveaux contextes
technologiques, économiques, sociaux et culturels. C’est vrai que toutes les évolutions ne sont pas
forcément ni automatiquement optimales, mais la plupart sont généralement relativement
congruentes par rapport à l’ensemble du système sociétal, qu’on soit par ailleurs d’accord ou non
avec ces réorientations.
Pour un nouveau contrat entre générations

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FÉCONDITÉ : UNE CHUTE SÉCULAIRE
Je peux, si j’étais d’obédience nataliste, regretter la disparition des familles nombreuses ou la
banalisation des avortements, comme je peux m’élever contre la légalisation de l’euthanasie. En
revanche, je ne peux pas renoncer à m’interroger sur les raisons pour lesquelles, malgré la faiblesse
réelle de natalité et le maintien depuis une trentaine d’années de cohortes jeunes « creuses »
(comme on dit parmi les démographes), le chômage des jeunes est malgré tout de nos jours aussi
élevé et tellement difficile à éradiquer (ou simplement à réduire).
Et la réponse qui me vient spontanément à l’esprit, c’est que nous sommes entrés dans des sociétés
où la productivité générale, mais aussi la productivité du travail, ont tellement progressé qu’une
diminution de la main-d’œuvre n’est en rien en contradiction avec une augmentation de la valeur
ajoutée et de la richesse collective.
Et dans ce cas, n’est-ce pas cela que les parents ont intuitivement intégré lorsqu’ils renoncent à
accroître leur descendance - où même qu’ils ne la constituent pas du tout - ayant compris que
l’avenir de leurs enfants potentiels est compromis - ou en tout cas très incertain ? Beaucoup de
couples ne redoutent-ils pas de donner la vie, ou ne le font-ils qu’avec parcimonie, pour se donner
les chances de doter leur progéniture limitée des meilleurs atouts possibles, en termes d’éducation
notamment.
Monsieur Cosandey évoque le fait que les parents potentiels ne raisonneraient plus en termes de
double réciprocité, transferts des parents vers les enfants par l’éducation et ensuite des enfants
vers les parents à travers la protection contre la vieillesse. Soit, concédons-le même mais à
condition de concéder aussi que l’argument que je viens d’évoquer est de même nature et pas
forcément moins plausible.
On a cru pendant longtemps que croissance démographique et développement économique allaient
de pair et, inversement, que dépeuplement ou dénatalité rimait avec récession et Monsieur Cosandey
recourt largement à cet argument dont il semble trouver des preuves dans notre histoire récente ou
plus ancienne. Et il est vrai que la révolution démographique apparue au XIXème siècle et poursuivie
au XXème siècle a été concommitante à la révolution industrielle et économique. Pour que cette
dernière puisse prendre tout son essor, il fallait que les masses agricoles puissent abandonner le
secteur agricole et se tourner vers le secteur industriel qui réclamait à l’époque une main-d’œuvre
abondante.
Et pour que l’industrie puisse écouler ses productions abondantes et massives, il fallait disposer de
grands marchés. Et c’est bien ce qui s’est produit, d’abord l’exode rural à cause des progrès de
productivité de ce secteur, et ensuite le peuplement des villes et l’approvisionnement des usines et
des entreprises en main-d’œuvre abondante grâce à la croissance de population suscitée par la
dynamique démographique, et en particulier la baisse de la mortalité (principalement infantile)
suivie quelques décennies plus tard par la baisse de la natalité. Et c’est seulement le différentiel
chronologique entre ces deux paramètres du mouvement qui a provoqué l’accroissement de la
population, mais tout en sachant que la fécondité était séculairement en déclin.

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
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Autrement dit, les natalistes doivent admettre que le maintien de la fécondité à ses niveaux
d’avant la transition démographique aurait été plutôt catastrophique en termes d’explosion
démographique incontrôlée, et que même la relance du baby boom entre 1945 et 1965 n’a été qu’un
accident historique rompant temporairement la tendance à la réduction à long terme de la fécondité.
« LE CRÉPUSCULE DE L’OCCIDENT »
Rêver à une remontée autour des niveaux des années 60 est donc sans doute profondément
irréaliste et ne correspondrait à aucune logique sociale évidente, sauf celle de reconstituer
précisément l’équilibre numérique des générations.
Or, dans mon optique personnelle, j’ai toujours pensé qu’il était plus simple d’adapter nos struc-
tures économiques et sociales à nos structures de population que l’inverse et que le danger était de
provoquer des contre courants passagers dans les naissances ou les décès par des politiques
démographiques peu efficaces qui engendreraient des oscillations perturbatrices sur tous les
principaux marchés : de la maternité, de l’éducation, du travail, de la retraite, etc. Après tout, la
crainte des planificateurs est bien due au fait que les cohortes pleines du baby boom qui arriveront
à la retraite entre 2010 et 2020 ne soient plus supportées que par la population active née durant
les années creuses des décennies 70 et suivantes.
Mais quoi qu’il en soit, la relation évolution démographique-croissance économique n’a jamais pu
être établie clairement sur le plan statistique malgré les dizaines de recherches qui ont été menées
sur ce sujet depuis de nombreuses années avec des résultats souvent non significatifs et
contradictoires.
La réalité est que le problème de la relation démographie-économie est beaucoup plus complexe
qu’une simple corrélation entre des variables (en principe le taux de croissance de la population et
celui de l’économie) et même un démographe reconnu comme profondément nataliste, Jean-
Claude Chesnais de l’INED, auteur d’un livre sur « Le crépuscule de l’Occident », a reconnu ce
manque de liaison mécanique dans plusieurs de ses écrits.
En tout cas, il y a un type d’argumentation que j’ai trouvé sous le nom de M. Cosandey dans
l’interview de lui qui est parue dans le Soir, et auquel je ne peux adhérer. Il consiste à dire : « la
dénatalité affaiblit la croissance économique et la croissance anémique affaiblit le progrès
scientifique. Et depuis que la natalité a chuté, on a dû faire face à des problèmes inédits. Par
exemple, les surplus agricoles : les paysans ont continué à améliorer leurs rendements, à produire
plus de lait, plus de céréales … mais il n’y a plus assez d’enfants pour boire tout ce lait, pour
manger toutes ces céréales ».
Je souris en lisant ces lignes parce que c’est une analyse purement quantitative qui ne tient
absolument pas compte des formidables changements qualitatifs qui sont intervenus dans les
modes de vie et dans le marketing des produits laitiers (comme de tous les autres). Il suffit de se
promener dans les rayons d’une grande surface pour découvrir que les produits alimentaires
présentés n’ont plus rien à voir avec les distributions de bols de lait dans les écoles au lendemain
de la seconde guerre mondiale et que la diversité de l’offre a produit une augmentation de la
Pour un nouveau contrat entre générations

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demande globale infiniment supérieure à la demande d’il y a une cinquantaine d’années pour des
produits simples et peu transformés.
UN « SIMPLE » PROBLÈME TECHNIQUE
En définitive, je crois que la proposition de David Cosandey est digne d’intérêt et qu’elle a le mérite
de remettre en évidence la nécessité de rétablir la solidarité entre générations. Elle pêche peut-être
par une certaine complexité de mise en œuvre et, par la perspective à très long terme où elle se situe
puisque l’auteur n’envisage lui-même l’entrée en vigueur de la réforme qu’à partir de 2050, c’est-
à-dire trente ou quarante ans après que le choc frontal aura eu lieu et que la catastrophe annoncée
se soit produite, si on suit la position des prédicateurs de l’apocalypse, ou qu’au contraire le pire ait
été évité et que des mesures de régulation efficaces aient pu être prises en temps utile, si on adhère
plutôt à la thèse des optimistes.
Et de ce point de vue, je veux terminer en rappelant que la faillite des systèmes de retraite n’est pas
une fatalité si on accepte de sortir des politiques actuelles qui visent seulement à réformer en
surface les systèmes existants, sans envisager des réformes radicales nécessitées à mon avis par
l’ampleur des mutations en cours.
Je pense comme David Cosandey que beaucoup de remèdes miracles actuellement envisagés
risquent d’être inefficaces, ou contre-productifs, voire éthiquement contestables, comme le
prolongement de la vie active, le recours massif à l’immigration, l’accroissement des taux de
participation féminine etc. Par contre, je considère qu’une des réformes les plus efficaces serait de
cesser de faire reposer le financement des pensions sur les prélèvements effectués sur la masse
salariale à un moment où la quantité globale de travail est en voie de réduction, où la rémunération
du travail est en stagnation et où les formes de travail précaire ne cessent de se multiplier.
Ce qui compte ce n’est pas tant le travail que la production des richesses, et la façon dont le surplus
est redistribué entre les classes sociales et les générations. Or, même si la croissance n’est plus ce
qu’elle a été durant les trente glorieuses, elle est toujours au rendez-vous et il est probable qu’elle
retrouvera un second souffle avec l’entrée définitive dans la troisième révolution industrielle. Qui
osera m’objecter que nos sociétés occidentales ne sont pas scandaleusement riches et que nous
manquons de moyens ? Au risque de devenir simpliste (mais sans doute pas plus que M. Cosandey),
j’affirmerai que l’avenir des retraites ne constitue qu’un problème technique qui devrait pouvoir
trouver une solution acceptable, à condition que nous ayons préalablement renégocié l’aspect le
plus fondamental, à savoir un nouveau contrat social intergénérationnel qui redéfinisse les droits
et les devoirs de toutes les générations et de toutes les catégories sociales, en tenant compte des
contraintes sociétales nouvelles, et qui rétablisse un juste équilibre dans la redistribution du
surplus collectif.

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
EN RÉSUMÉ
- La réforme en profondeur proposée par David Cosandey a le mérite d’être originale et
audacieuse. Il sera très complexe de la mettre en œuvre dans la pratique. Elle ne pourra
pas entrer en vigueur avant 2050.
- « La faillite coupable des retraites » souligne à juste titre la nécessité de rétablir la
solidarité entre les générations.
- Le lien que Monsieur Cosandey établit entre la baisse de la natalité et la faillite des retraites
est beaucoup trop simpliste. La relation entre la démographie et l’économie est beaucoup
plus complexe qu’une simple relation entre deux variables.
- Il convient de substituer à l’approche causaliste présente dans son livre une approche
globale et systématique.
- C’est un ensemble de facteurs historiques convergents (et non pas seulement des raisons
techniques comme la pilule contraceptive) qui peut expliquer le recul de la natalité.
- Croissance démographique (Dépeuplement) et développement économique (récession) ne
vont pas de pair.
- Rêver d’une remontée de la natalité autour des niveaux de 1960, est irréaliste et ne
correspond à aucune logique évidente.
- Il est plus simple d’adapter nos structures économiques et sociales à nos structures de
population que vice versa.
- Le livre de David Cosandey contient une analyse purement quantitative qui ne tient pas
du tout compte des formidables changements qualitatifs qui sont intervenus dans les
modes de vie.
- La faillite des systèmes de retraites n’est pas une fatalité si l’on accepte de sortir des
politiques actuelles qui visent uniquement à réformer en surface le système de retraites
actuel.
- Il faut cesser de faire reposer le financement des pensions sur les prélèvements effectués
sur la masse salariale.
- Il importe de produire et de redistribuer, de façon juste, le surplus collectif entre les classes
sociales et les générations.
- L’avenir des retraites ne constitue qu’un problème technique qui devrait trouver une
solution acceptable et raisonnable à condition que l’on ait préalablement renégocié un
nouveau contrat social intergénérationnel.
Pour un nouveau contrat entre générations

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DÉBAT
Le secrétariat du CCE a demandé à Monsieur Michel Englert (Conseiller au Bureau fédéral du Plan)
de commenter en tant qu’économiste les idées défendues par D. Cosandey. Voici son point de vue.
Après avoir pointé quelques passages du livre qu’il juge excessifs
1
, Michel Englert ironise à propos
de la stigmatisation des familles de moins de deux enfants ; il rejette l’idée de l’ouvrage selon
laquelle l’intérêt financier des parents serait le principal moteur de la décision de procréer, alors
que bien d’autres considérations interviennent évidemment dans ce choix.
UN DÉFI GÉRABLE
L’intervenant rappelle que la faillite des retraites n’a rien d’inéluctable et que le défi financier que
pose le vieillissement est gérable dans le cas belge. Le Bureau fédéral du Plan évalue qu’à politique
inchangée, sur les trente années à venir, le coût budgétaire du vieillissement en Belgique devrait
être de l’ordre de 4% du PIB (ce chiffre varie d’un scénario à l’autre). Bien que très élevé, il faut
relativiser le caractère inquiétant de ce chiffre. Il se rapporte à un coût budgétaire qui va se
développer sur une période longue (30 ans). Il n’est pas d’un ordre de grandeur exceptionnel par
rapport à celui des grands chocs budgétaires des dernières décennies (cf. les opérations d’économie
des années ’80 et ’90, ou l’ensemble des mesures de réduction des prélèvements obligatoires de ces
dernières années qui représentent près de 2% du PIB . Du fait de notre équilibre budgétaire, on
peut s’attendre, en Belgique, pour les trente prochaines années, à une baisse des charges d’intérêt
de l’ordre de 5% du PIB. Comme cette baisse est plus importante que le coût budgétaire du
vieillissement (+4% du PIB), celui-ci pourra être financé sur cette base … à condition de ne pas
opter pour une autre utilisation de ces ressources.
Par ailleurs, selon Michel Englert, le problème n’est pas uniquement démographique. Pour lui, le
défi est probablement plus socio-économique que démographique. D’après les perspectives
démographiques nationales (préparées par l’INS et BfP, la proportion d’âgés (60 ans et plus) va
évoluer de 40 âgés pour 100 jeunes en 2000 à 63 âgés pour 100 jeunes à l’horizon 2030. On peut
évidemment ressentir de l’inquiétude face à une telle perspective mais il ne faut pas oublier un fait
socio-économique actuel, à savoir que pour 100 personnes actives au travail, il y a actuellement 74
personnes qui reçoivent une allocation de pension, de chômage, d’invalidité… . La dépendance est
donc un problème autant actuel que futur, un problème plus socio-économique que démographique,
et un problème certes difficile mais gérable.
D’autre part, pour Michel Englert, le défi démographique pour les systèmes de retraites n’est pas
seulement celui de la dénatalité, mais surtout celui de l’allongement de l’espérance de vie
2
. C’est
l’allongement de l’espérance de vie qui constitue l’essentiel du défi démographique pour nos
systèmes de retraites. Les perspectives démographiques montrent pour les 50 prochaines années,
la Belgique va faire face à un important accroissement de la population âgée de 60 ans et plus
surtout en raison de l’augmentation de l’espérance de vie.
La natalité ne peut tout résoudre
1
David Cosandey compare par exemple les 5,5 millions d’allemands victimes du nazisme avec les 14 millions de non nés dûs à la chute
de la natalité.
2
Dans une prochaine livraison, la Lettre mensuelle socio-économique approfondira la question des facteurs contribuant à la baisse
de la fécondité et à l’allongement de l’espérance de vie.

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
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RETRAITES ET NATALITÉ : UN LIEN FLOU
Michel Englert ne suit donc pas l’auteur lorsqu’il affirme que la natalité est une solution miracle
aux problèmes des retraites. Le Bureau fédéral du Plan a étudié dans quelle mesure une fécondité
plus forte pourrait répondre au défi démographique que subit notre système de retraites. Il ressort
de cette étude qu’ un relèvement de la natalité de 0,3% sur une période de 50 ans réduit effectivement
l’accroissement du poids budgétaire des pensions (+2,4% au lieu de +3,2%) et du poids budgétaire
des soins de santé (+2,5% au lieu de +3%) mais accroît, d’autre part, les dépenses d’éducation,
d’allocations familiales, etc.Au total le coût budgétaire du vieillissement pour les 50 prochaines
années serait de 3,4% du PIB au lieu de 4,2%). Un relèvement de la natalité serait donc, selon
cette étude, positif pour la Sécurité sociale, mais ne ferait pas disparaître le coût budgétaire du
vieillissement, loin de là.
Selon l’orateur, il faut aussi nuancer le lien direct que David Cosandey fait entre les systèmes de
retraites et la chute de la natalité. Il existe, en effet, plusieurs éléments qui montrent que ce lien
est relativement flou. Les pays scandinaves ont les taux de natalité les moins bas en Europe alors
que leurs systèmes de retraites sont parmi les plus performants. La baisse de la natalité en
Belgique est par ailleurs une tendance longue, bien antérieure au développement d’un système de
retraites. De plus, le moment où le système belge de retraites a été mis en place ne correspond pas
au moment où la natalité en Belgique était la plus faible. La Belgique a même connu une remontée
de la natalité au moment où son système de retraites a été créé : entre 1920 et 1940, la Belgique
a connu des taux de natalité plus faibles que dans la période de l’après-guerre (les années
soixante), période où son système de retraites a été développé.
La baisse de la natalité en Belgique s’inscrit en réalité dans une tendance de long terme qui est
fortement liée, comme l’a d’ailleurs noté David Cosandey, au fait que le coût que représente un
enfant est actuellement plus élevé que dans le passé. Aujourd’hui il faut de gros moyens pour
fonder une famille nombreuse sans tomber dans des conditions difficiles. L’orateur rejoint également
David Cosandey quand il affirme que nous vivons aujourd’hui dans une société de consommation
qui développe l’égoïsme et le consumérisme, ce qui n’encourage pas les gens à fonder une famille.
Mais selon lui, si corrélation il y a entre le développement de ce type de société et la chute de la
natalité d’une part, la mise en place des systèmes de retraite d’autre part, il pourrait y avoir
corrélation entre dénatalité et systèmes de retraite (ce qui reste à démontrer - l’auteur n’a pas
réalisé de tests statistiques), mais sans aucun lien de causalité . Si on supprimait notre système
de retraites par répartition, précise Michel Englert, les gens manifesteraient spontanément un
comportement d’épargne ou de constitution de pension privée qui leur permettrait de faire face à
leurs vieux jours. Cette suppression n’aurait donc pas nécessairement un effet sur la natalité parce
que le niveau de richesse actuelle permet à la majorité des gens de se constituer une épargne en vue
de leurs vieux jours sans devoir compter sur leurs enfants.
La natalité ne peut tout résoudre

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Michel Englert estime d’ailleurs que la mise en œuvre de la variante « alpha » que David Cosandey
propose dans son livre
3
n’est concevable que pour le seul secteur public. Je ne vois pas, dit-il en
effet, comment l’on pourrait empêcher le secteur privé d’offrir aux salariés des fonds de pensions
insensibles au nombre d’enfants. Selon lui, les variantes proposées par monsieur Cosandey n’auront
donc de toutes manières pas d’impact significatif sur la problématique à laquelle on est confrontée
même dans l’hypothèse – douteuse – d’un lien entre les pensions et la dénatalité.
Enfin, Michel Engert estime qu’ il faut distinguer - et non pas mélanger comme le fait David
Cosandey - les aspects « dénatalité/efficacité économique » et « dénatalité/équité ».
DÉNATALITÉ, EFFICACITÉ ET ÉQUITÉ
Il est exact que pour financer les pensions, un plus grand taux de fécondité n’est pas a priori une
mauvaise chose. Mais compte tenu d’une série d’autres facteurs – notamment la pression de la
démographie sur l’environnement – il n’est pas certain qua la natalité ait un effet positif sur
l’efficacité économique. Il faut se poser la question de savoir s’il est judicieux de promouvoir une
plus grande natalité. Même en termes d’équité intergénérationnelle, cette option n’apparaît pas
idéale puisqu’elle postule une pression sur l’environnement qui pourrait hypothèquer, à long terme,
le niveau de vie des générations futures.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’équité, il ne faut pas non plus oublier qu’il existe aussi des
transferts considérables des familles sans enfants vers les familles avec enfants via le financement
publique du système éducatif, le financement public des soins de santé, le financement public des
transports, les allocations familiales, les réductions d’impôts, etc. Avant de déclarer que les
familles sans enfants profitent des familles avec enfants, il faut donc faire un calcul beaucoup
plus complexe que celui qu’a fait David Cosandey.
3
Dans la variante « alpha », on attribuerait un coefficient alpha a chaque assuré. On calculerait la retraite de la même façon
qu’aujourd’hui, à la différence près qu’on la multiplierait par le coefficient « alpha ». Le coefficient « alpha » serait égal au nombre
d’enfants pris en charge pendant vingt ans divisé par le nombre-seuil d’enfants (c’est-à-dire le nombre d’enfants considéré comme
suffisant pour financer sa propre retraite).

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EN RÉSUMÉ
- La procréation ne résulte pas d’un calcul économique où les parents maximisent leur
intérêt financier personnel.
- La « faillite des retraites » n’a rien d’une certitude.
- Le coût budgétaire du vieillissement est un défi gérable.
- Le défi qu’il convient de relever en matière de pensions de retraite n’est pas uniquement
d’ordre démographique.
- Le défi démographique pour les systèmes de retraites n’est pas seulement celui de la
dénatalité.
- La natalité ne résout pas tout.
- Il faut distinguer les aspects « dénatalité/efficacité économique » et « dénatalité/
équité ».
- L’effet d’une politique nataliste sur l’équité intergénérationnelle est incertain.
- L’impact global des finances publiques sur l’équité entre familles sans enfants et
familles avec enfants doit être analysé plus finement.
La natalité ne peut tout résoudre

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(Not very worthwile. A hate speech, like unfortunately often to be heard
from non-parents... The members of this privileged caste violently
reject any idea which might, even remotely, threaten their fat pension
privileges.)

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Lette Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
Certains membres appartenant au Groupe B sont, dans l’ensemble, opposés aux thèses défendues
par Monsieur David Cosandey. Ils ont tenu en particulier à exprimer leur ferme opposition à l’idée
de vote plural émise par l’orateur. Ils ont fait savoir à ce propos que cette idée circulait effectivement
dans certains milieux intellectuels
1
et qu’elle avait même été évoquée récemment lors d’auditions
dans une commission parlementaire. Ces membres ont par ailleurs souligné le fait que, selon eux,
le problème des soins de santé est plus pressant que celui des retraites au regard des perspectives
d’avenir de la Sécurité sociale. Ces membres ont toutefois apprécié que David Cosandey a tenu
compte dans son livre de la phase « prendre soin de ses parents », phase qui est habituellement
négligée dans les débats relatifs à la problématique des retraites.
D’autres membres du Groupe B ont exprimé de leur côté leur accord avec les critiques développées
par Madame Corinne Gobin, en particulier lorsqu’elle a souligné l’absence de caractère scientifique
de l’argumentaire développé par Monsieur Cosandey. A ce titre, ces membres estiment avec Mad-
ame Gobin que le livre « La faillite coupable des retraites » doit être considéré pour ce qu’il est, à
savoir un pamphlet politique. Ces mêmes membres ont encore fait savoir qu’ils souscrivaient aux
idées développées par Madame Gobin autour du thème du Contrat social.
Certains membres appartenant au Groupe A ont, pour leur part, estimé utile l’organisation du
débat autour du livre « La faillite coupable des retraites ». Il a eu le mérite, ont-ils souligné, de
faire progresser la réflexion en la matière, notamment en permettant de discuter de sujets qui ne
sont pas habituellement abordés en matière de systèmes de retraites ou qui font l’objet de tabous.
Cela étant, ces membres souscrivent au fait souligné par certains membres du Groupe B, à savoir
que le problème des soins de santé est plus préoccupant que l’avenir des retraites.
Réactions des partenaires sociaux
DÉBAT
1
Voir notamment : VAN PARIJS, Philippe (UCL), The disfranchisement of the elderly : and other attempts to secure intergenerational
justice, Philosophy & Public Affairs, Princeton, NJ, 27 (4), Fall 1998, pp. 292-333; SCHOKKAERT, Erik (KUL) & VAN PARIJS, Ph., Social
Justice and the Future of Europe’s Pension Systems, Journal of European Social Policy, London, 13 (3), August 2003, pp. 245-63.;
SCHOKKAERT, Erik & VAN PARIJS, Ph., Just Pensions. Reply to Fornero, Myles and Oksanen, Journal of European Social Policy, London,
13 (3), August 2003, pp. 279-82.

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Conseil Central de l’Economie
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VIEILLISSEMENT
Tous ensemble, nous vieillissons de plus en plus. Les prévisions démographiques de l’INS annoncent
qu’en 2030, pas moins de 30 % de la population de la Belgique aura plus de 60 ans contre
seulement 22 % aujourd’hui. Cette évolution représente un réel danger pour la pérennité des
pensions : les personnes au travail versant des cotisations sont de moins en moins nombreuses
alors qu’il y a de plus en plus de pensions à payer. Ce constat fut directement à l’origine de la loi
du 5 septembre 2001 qui a pour but d’apporter une réponse à cette problématique et d’assurer à
long terme le paiement des pensions. Outre la création du Fonds de vieillissement, cette loi prévoit
que le Comité d’étude sur le vieillissement (CEV), un comité institué au sein du Conseil supérieur
des Finances, rédigera annuellement un rapport sur les conséquences budgétaires et sociales du
vieillissement. Pour ce faire, il fait appel au Bureau fédéral du Plan. La troisième édition de ce
rapport a été publiée en avril 2004. La nouveauté du Rapport 2004 réside dans un chapitre qui
s’ajoute aux parties traditionnelles – coût du vieillissement et soutenabilité sociale – et qui est
consacré à l’évolution des dépenses publiques de soins de santé.
FAISABILITÉ BUDGÉTAIRE
Le scénario du CEV tente d’estimer le surcoût du vieillissement et s’étale de 2003 à 2030. Lors
d’une telle simulation sur une période de presque 30 ans, les hypothèses sous-jacentes au modèle
déterminent grandement le résultat. Des hypothèses doivent être formulées tant en ce qui concerne
l’évolution démographique (qu’il est assez aisé de prévoir) que l’environnement macroéconomique
bien moins prévisible et l’orientation future de la politique des autorités publiques (par exemple :
« Quelle sera l’évolution
des revenus de
remplacement par rap-
port aux salaires ? »).
L ’ h y p o t h è s e
macroéconomique
centrale du Comité est
une augmentation de la
productivité de 1,75%
l’an jusqu’en 2030. Cette
hypothèse est qualifiée
« de scénario prudent » et se base sur l’évolution moyenne des trente dernières années, évolution
qui était de 2 % l’an. Durant les deux dernières décennies (1980-2002), l’augmentation de la
productivité ne s’est cependant chiffrée qu’à 1,55 %. Les salaires sont supposés évoluer à long
terme parallèlement à la productivité de laquelle on retranche une dérive salariale de 0,5 %. Il en
résulte un plafond salarial de 1,25 % par an.
S’agissant du chômage structurel
1
, le CEV avance une prévision ambitieuse. Il suppose que le
chômage structurel continuera à long terme à évoluer vers sa moyenne historique de 7,5 % (depuis
1953), soit la moitié seulement des 14,2 % actuels. Le taux d’emploi est lui aussi supposé
Un rapport qui rassure
Hypothèses
économqiues
de base
2003-2030
Source : Comité d’étude sur le vieillissement (2004) p. 48 ; scénario du Comité d’étude, adaptation au bien-être incluse.
Augmentation de la productivité
1,75% par an
Augmentation des salaires
1,75% par an
Dérive salariale
0,50% par an
Plafond salarial
1,25% par an
Taux de chômage structurel en 2030
7,50%
Taux d'emploi en 2030
68,50%
Adaptation au bien-être des revenus de remplacement
0,50% par an
Adaptation au bien-être des montants forfaitaires
1,00% par an
Augmentation des dépenses publiques réelles de soins de santé 2003-2007
4,50% par an
Augmentation des dépenses publiques réelles de soins de santé 2009-2030
2,90% par an
1
Le chômage structurel est défini comme étant l’ensemble des chômeurs indemnisés demandeurs d’emploi, les jeunes non indemnisés
pendant leur période d’attente, des chômeurs temporairement exclus, des personnes bénéficiant d’une aide du CPAS, des chômeurs
renonçant volontairement à une allocation, des non-actifs n’ayant pas droit à une allocation mais s’inscrivant néanmoins comme
demandeurs d’emploi et des chômeurs âgés non-demandeurs d’emploi. Un certain nombre de catégories de bénéficiaires d’allocations
sont cependant exclues, comme par exemple les personnes bénéficiant d’un crédit-temps à temps plein.

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augmenter de 7 points de pour cent pour atteindre 68,5 %. Le taux d’activité serait donc de 74 %
en 2030 contre 71,6 % aujourd’hui.
Les projections dans le domaine de la politique sociale sont encore plus compliquées parce qu’elles
dépendent directement de décisions politiques qui seront prises au fil des trente années à venir.
L’une des variables utilisées est la mesure dans laquelle les revenus de remplacement s’accroissent
parallèlement au bien-être. Il ressort de données historiques que l’adaptation au bien-être est en
moyenne inférieure de 1,75 % à la croissance de la productivité. Etant donné que le scénario table
sur une croissance de la productivité de 1,75 %, il n’y aurait pas d’adaptation au bien-être à
escompter. Toutefois, compte tenu de l’augmentation du poids social et électoral des personnes
âgées, le CEV escompte malgré tout une adaptation annuelle moyenne au bien-être de 0,5 %. Les
décisions prises à Ostende lors du Conseil de Ministres extraordinaire des 20 et 21 mars 2004 liant
les revenus de remplacement au bien-être confirment déjà cette hypothèse.
Les hypothèses utilisées impliquent une croissance économique moyenne – la somme de la croissance
de la productivité et de l’emploi – de 1,9 % l’an pendant la période. Le surcoût total des pensions
et des soins de santé se chiffre à 5,2 % du PIB. A mesure qu’un nombre croissant de personnes
atteint l’âge de la pension, la pénurie sur le marché du travail augmente. La baisse du chômage qui
l’accompagne et la diminution des allocations familiales (en raison du nombre moins élevé de
naissances) aura pour effet, selon le CEV de ramener le coût à « seulement » 3,4 % du PIB : un
montant certes considérable mais accessible.
A ces perspectives s’ajoutent deux scénarios plus optimistes : le premier tient compte d’un taux
d’emploi plus élevé et d’une diminution plus marquée du chômage structurel tandis que le deuxième
prévoit un accroissement plus rapide de la productivité. Le scénario s’appuyant sur un taux
d’emploi de 71 % et un chômage de structurel de 6 % (la croissance de la productivité étant
constante, soit de 1,75 %
2
) réduit le coût budgétaire du vieillissement à 2,5 % du PIB. Le scénario
à forte croissance du Bureau fédéral du Plan (2,25 % d’augmentation de la productivité par an au
taux de chômage donné) débouche sur une réduction du coût estimé qui se chiffre ainsi à 3 % du
PIB.
Un rapport qui rassure
Coût budgétaire du
vieillissement
(en % du PIB)
2
S’il s’avérait que les emplois supplémentaires créés ont une productivité plus faible, le coût du vieillissement s’en trouverait accru.
Si les emplois supplémentaires se révélaient en moyenne deux fois moins productifs que les emplois existants, la croissance
économique serait en moyenne en retrait de 0,1 % par an tandis que le coût du vieillissement serait majoré de 0,2 point de pour cent.
2003
2010
2030
2003-2030
Pensions
9,2
8,8
12,0
2,8
Soins de santé
6,9
7,8
9,3
2,4
Incapacité de travail
1,3
1,3
1,3
0,0
Chômage
2,3
1,8
1,1
-1,2
Prépensions
0,4
0,4
0,4
-0,1
Allocations familiales
1,7
1,4
1,2
-0,5
Autres dépenses sociales
1,5
1,5
1,4
-0,1
Total
23,4
23,1
26,7
3,4
Rémunérations du personnel enseignant
4,4
4,0
3,8
-0,7
Source : Comité d’étude sur le vieillissement (2004) p. 21 ; scénario du Comité d’étude adaptation au bien-être incluse

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Le Conseil supérieur des Finances s’appuie sur le Rapport du Comité d’étude sur le vieillissement
lors de l’élaboration de son rapport annuel sur les besoins de financement des pouvoirs publics.
Dans son rapport de juillet 2004, le CSF recommande de constituer progressivement un surplus
budgétaire de 1,5 % en vue de faire face aux défis budgétaires du vieillissement.
SOUTENABILITÉ SOCIALE
Le vieillissement n’est pas uniquement un défi lancé aux finances publiques mais aussi un défi
social. C’est ce qui ressort notamment du pourcentage de risque de pauvreté – exprimé comme
étant la part de la population dont les revenus sont inférieurs à 60 % du revenu médian – qui est
deux fois plus élevé chez les plus de 65 ans que dans la population active. Le second volet obligé
du rapport annuel du CEV traite donc de la soutenabilité sociale du vieillissement.
Outre le risque de pauvreté (pauvreté financière), trois indicateurs non monétaires sont également
analysés : la qualité du logement, l’accès aux soins de santé et l’intégration sociale. Il apparaît que
les pensionnés sont moins nombreux à habiter dans des logements de mauvaise qualité et que les
personnes âgées postposent moins souvent des soins de santé pour des raisons financières. Les
personnes âgées participent cependant bien moins que les autres catégories de la population à la
vie sociale (activités culturelles et de loisirs).
C’est en observant les ratios de remplacement que l’on peut se forger une idée de la mesure dans
laquelle une personne au travail peut préserver son niveau de vie lorsqu’elle prend sa pension. Les
ratios de remplacement sont le rapport entre la pension versée durant la première année de la mise
à la retraite et le dernier revenu du travail. Dans le cas d’un travailleur type qui prend sa pension,
le ratio de remplacement net est de 66 %. Il verra donc son revenu diminuer de 34 % au moment
de sa retraite. Le CEV escompte que cette perte de revenu se réduira pendant les décennies à venir
(23 % en 2030) en raison de l’importance croissante du deuxième pilier.
Enfin, le Comité d’étude se demande s’il serait intéressant de calculer un indice séparé des prix à
la consommation (IPC) pour les personnes âgées. Les pensions seraient alors liées à cet « indice
personnes âgées ». Il ressort cependant des simulations que cet indice divergerait à peine de l’IPC
habituel parce que les schémas de consommation des personnes âgées ne s’écartent pas fortement
de ceux des personnes au travail.
DÉPENSES DE SOINS DE SANTÉ
Les dépenses publiques de soins de santé sont un poste particulièrement important dans le coût
total du vieillissement. C’est pourquoi le Comité d’étude a consacré dans cette édition – pour la
première fois et de sa propre initiative – un chapitre étendu aux soins de santé.

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Lette Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
Depuis les années 70, les dépenses publiques de soins de santé ont plus que doublé : de 3,1 % du
PIB en 1970 à 6,6 % en 2001. Ces dépenses ne sont pas supérieures à la moyenne des pays voisins
ou de l’UE-15. Elles ont augmenté en Belgique – tout comme dans les autres pays occidentaux –
plus rapidement ces 50 dernières années que le PIB. Cela résulte tant d’une évolution sociale que
d’une évolution technologique. D’une part, l’accès aux soins de santé s’améliore, augmentant ainsi
la consommation de produits et services médicaux ; d’autre part, on voit apparaître de plus en plus
de techniques médicales de haute technologie qui gonflent le prix des soins de santé.
Le CEV fournit une estimation des dépenses publiques futures de soins de santé tant à moyen
terme (2003-2008) qu’à long terme (jusqu’en 2030). S’agissant des quatre années à venir, il se
base sur la déclaration gouvernementale du gouvernement en place qui prévoit que les dépenses
publiques réelles de soins de santé ne peuvent augmenter pendant la législature en cours que de
4,5 % par an au maximum. Cette croissance combinée à l’intégration (à partir de 2006) des petits
risques dans l’assurance maladie obligatoire des indépendants entraîne une croissance annuelle
moyenne de 5,1 % des dépenses de soins de santé au cours des années 2003-2007. En ce qui
concerne la période postérieure à 2007, il est supposé que la croissance des dépenses de soins de
santé retrouvera son schéma normal d’environ 2,9 % d’augmentation l’an. Si néanmoins le rythme
actuel de 4,5 % se maintenait, le coût estimé du vieillissement doublerait et atteindrait 6,7 %.
CONCLUSION
Le Comité d’étude sur le vieillissement estime le coût supplémentaire du vieillissement pendant les
30 années à venir à 3,4 % du PIB : un but accessible si les autorités publiques parviennent à
diminuer davantage encore la dette publique. Cette estimation se base sur une prévision prudente
de la croissance économique et sur un objectif ambitieux en matière de chômage, à savoir une
réduction de moitié du chômage structurel. Le taux de chômage se réduira en effet structurellement
grâce à la réduction du nombre de personnes en âge de travailler mais en soi, cela n’est pas
suffisant. Le CEV table dès lors sur la capacité future de la politique du marché du travail de
stimuler avec succès la participation au travail et d’augmenter le taux d’emploi. Les dépenses de
soins de santé restent cependant le grand point d’interrogation de l’analyse : elles ont un impact
important sur le coût mais il est très difficile de les prévoir. L’avenir dépend donc largement de la
politique des pouvoirs publics durant les décennies à venir.
BIBLIOGRAPHIE
Conseil supérieur des Finances (avril 2004) Rapport annuel du Comité d’étude sur le vieillissement,
disponible à l’adresse :
http://www.docufin.be/websedsdd/intersalgfr/hrfcsf/adviezen/PDF/
vieillissement_2004_04.pdf
Conseil supérieur des Finances (juillet 2004) Rapport annuel section « Besoins de financement des
pouvoirs publics », disponible à l’adresse :
http://www.docufin.be/websedsdd/intersalgfr/hrfcsf/
adviezen/PDF/rapport2004.pdf
Un rapport qui rassure

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Conseil Central de l’Economie
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ÉLARGISSEMENT
Du 31 mai au 4 juin dernier, le Conseil Central de l’Économie (CCE) a réalisé un voyage d’étude en
Slovaquie
1
. La délégation se composait comme suit : M. Robert Tollet (Président), M. Josly
Piette, M. Baudouin Velge et M. André Mordant (vice-présidents), M. Donald De Meulenaere
(membre), M. Luc Denayer (Secrétaire) et M. Ton Harding (Secrétaire adjoint). Nous publions dans
les pages qui suivent le compte rendu de cette visite tel qu’il a été rédigé par Monsieur Olivier Belle,
ambassadeur de Belgique en Slovaquie.
CONTEXTE
Au lendemain de l’adhésion de la Slovaquie à l’Union européenne, la visite du CCE visait
essentiellement à analyser la situation économique et sociale actuelle du pays ainsi que les
perspectives d’avenir. La délégation belge a rencontré un large éventail d’acteurs économiques et
sociaux slovaques. La Société Bekaert l’a accueillie dans ses deux sites de production (une
cinquantaine de kilomètres au Nord de Bratislava à Sladkovicovo et Holovec).
La situation économique et le dialogue social ont été les principaux thèmes abordés. L’environnement
économique et social a enregistré une métamorphose profonde et rapide depuis la chute du régime
communiste. Les privatisations, l’adaptation au modèle socio-économique de l’UE (avant tout au
modèle économique), les réformes multiples (santé, pensions, décentralisation, etc…),
l’implantation d’importants investisseurs étrangers et un dialogue social bousculé et peu structuré
sont autant de facteurs qui caractérisent le contexte économique et social actuel.
UN TRAITEMENT DE CHOC. NÉCESSAIRE ?
Pour ce qui est de la situation économique, il faut signaler tout d’abord que l’environnement
économique a changé très rapidement. Même le Président de la Chambre de Commerce slovaque
n’avait pas imaginé une adaptation aussi rapide (note : on commence à parler de la Slovaquie
comme le Tigre des Tatras). Adhésion à l’UE oblige, l’économie s’est tournée essentiellement vers
l’Europe occidentale : 60 % des exportations slovaques y sont destinés, l’Allemagne étant le plus
grand marché devant les pays voisins.
Certains de nos interlocuteurs ont relevé les aspects positifs des changements : forte croissance
notamment (on annonce 5 % pour les prochaines années). D’autres, sur un ton plus politique se
sont montrés plus réservés à l’égard de la rapidité excessive de l’adaptation, en évoquant un
changement plus lent des mentalités (l’ancien régime n’est pas si éloigné) et la difficulté de suivre
pour certains segments de la population (notamment les retraités).
1
Entretiens avec les entités suivantes :
MESA 10 (Institut pour les questions publiques, ONG libérale dont certains experts gèrent directement plusieurs projets de réformes
économiques dans les cabinets ministériels) avec M. Jakoby ; Chambre de Commerce et d’Industrie slovaque (représentant 86 % du
potentiel économique de la Slovaquie, regroupant essentiellement les grandes entreprises) avec M. Mihok (Président) ; Bureau du
Gouvernement de la République slovaque avec M. Setnicky (Directeur affaires européennes, chargés entre autres de la gestion des
fonds structurels et de cohésion européens) ; Commission finances et budget du Parlement avec M. Farkas (Président commission
du parti SMK membre de la coalition gouvernementale) ; Agence slovaque pour le Développement des Investissements et du
Commerce (SARIO, entité accompagnant les investissements étrangers en Slovaquie) avec M. Kuruc (Directeur Général) ;
Associations des Unions de Patrons de Slovaquie (donc ce sont récemment séparées les entreprises ultralibérales liées aux
investisseurs étrangers, les deux groupes représentant chacun 50 % du PIB) avec M. Malatinsky (Président) ; Bekaert Slovakia ;
Secrétaire d’Etat Pomoty du Ministère de l’économie ; Confédération des Unions syndicalistes de Slovaquie avec M. Skator
(Président) ; Chambre de commerce d’Amérique avec M. Slegers (Directeur) ; Agence nationale pour le développement des petites
et moyennes entreprises avec M. Majtan (Directeur général).
Voyage d’étude en Slovaquie

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Voyage d’étude en Slovaquie
LA SLOVAQUIE EN BREF
1
GÉOGRAPHIE
Capitale
Bratislava
Superficie
49.035 km
2
POPULATION (2001)
Nombre d’habitants
5.400.000
Espérance de vie (H/F)
69 ans/77 ans
Minorités
Hongrois 9,7 %, Roms 1,7 %, Ruthènes, Ukrainiens
Langue
slovaque (langue officielle, parlée par 90 % de la population), tchèque, hongrois
ÉLARGISSEMENT
Date de dépôt de candidature
octobre 1993
Date de signature du traité d’adhésion
16 avril 2003
Référendum d’adhésion
16 et 17 mai 2003
ÉCONOMIE (2003)
Monnaie
couronne slovaque : 1 euro = 40,925 couronnes slovaques (25/04/2003)
PIB/habitant
11.900 euros (moyenne Europe des 15 : 23.300 euros)
Taux de croissance
4,2 % (moyenne Europe des 15 : 0,8 %)
Taux de chômage
17,1 % (moyenne Europe des 15 : 8,1 %)
Taux d’inflation
8,5 % (moyenne Europe des 15 : 2,0 %)
POLITIQUE
Démocratie parlementaire
La Constitution actuelle est entrée en vigueur le 1
er
janvier 1993. Elle a été révisée en 1999 pour permettre
l’élection du président de la République au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Les
députés sont élus pour quatre ans au suffrage universel direct.
Le Parlement ne compte qu’une seule chambre.
Président de la République : M. Ivan Gasparovic
Premier ministre : M. Mikulas Dzurinda
HISTOIRE
La Slovaquie est issue de la partition de la République fédérale tchécoslovaque, le 1
er
janvier 1993. La
Tchécoslovaquie était née de l’éclatement de l’Empire austro-hongrois, à la fin de la Première Guerre
mondiale. Le traité de Trianon, en 1920, prend en compte les aspirations nationalistes tchèques et
slovaques, et crée, pour la première fois, un Etat à majorité slave de 15 millions d’habitants au cœur de
l’Europe. Victime de l’expansionnisme hitlérien à la suite des accords de Munich en 1938, rattachée
brutalement au bloc soviétique après le « coup de Prague » de 1948, la Slovaquie acquiert une certaine
autonomie politique lors du « Printemps de Prague », en 1968.
Dans le cadre de la République fédérale tchécoslovaque, elle est dotée d’un Parlement et d’un exécutif
autonomes. Au lendemain de la chute du Mur de Berlin, la Tchécoslovaquie quitte le bloc soviétique et
décide de se diviser en une République tchèque, d’une part, et une République slovaque, d’autre part.
1
D’après d’Haussonville, Jean, Tableau des douze : histoire, régime et forces politiques, économie in Pouvoirs n° 106, 2003, p. 126.

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Pour plusieurs de nos interlocuteurs, l’économie slovaque a reçu un traitement de choc. Surtout
depuis la constitution du deuxième gouvernement de M. Dzurinda, plus homogène et plus libéral.
L’Agence pour les PME a relevé la sévérité des réformes d’un gouvernement plus favorables aux
employeurs. Elle note que ces réformes sont sans doute nécessaires et qu’elles n’avaient pas été
possibles auparavant en raison de la présence d’un partenaire socialiste dans le premier
gouvernement Dzurinda (1998-2002).
En résumé, les commentaires se rejoignent sur la sévérité du traitement de choc appliqué à
l’économie slovaque. Certains l’acceptent alors que d’autres se montrent plus réservés.
L’EURO : UN OBJECTIF MAIS PAS AVANT 2009/2010
L’accession à la zone euro est un objectif auquel tous nos interlocuteurs se sont référés. Ils
semblent tous être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne la date : en 2009 ou 2010 au
mieux. Passer ces échéances pourrait être nuisible économiquement et dommageable sur le plan
politique.
Pour des motifs divers, l’on a pu ressentir la volonté de ne pas précipiter les choses. Et l’on a relevé
le souci de simultanéité avec les partenaires du groupe de Visegrad 4 (note : ceci s’explique sans
doute par le souhait d’accroître le poids des candidats à l’eurozone dans les négociations d’accession
et, d’autre part, de ne pas perdre certains instruments de politique économique avant les autres
voisins concurrents).
La difficulté de respecter les critères d’adhésion paraît tempérer l’enthousiasme. C’est surtout le
cas en ce qui concerne la maîtrise du déficit public à 3 %. Il s’agit indéniablement d’un objectif de
l’actuel gouvernement (le Ministère des finances veut un déficit de 3,1 % en 2004). Mais les
réformes onéreuses entreprises, notamment pour les pensions, laissent entrevoir des sérieuses
difficultés pour respecter ce critère à court terme. L’on ne s’en est pas caché au Bureau du
Gouvernement ni au Parlement (Commission Finances) ni à la Chambre de Commerce slovaque :
c’est le choix entre préserver une certaine marge pour les réformes qui pèseront lourd dans le
budget de l’État ou cadenasser le déficit.
Mais, parallèlement à des motivations de nature politique, des raisons plus économiques semblent
également inciter à patienter. Profitant apparemment de conditions très avantageuses en Slovaquie,
les entreprises étrangères auraient tendance, selon la Chambre de Commerce, à ne pas pousser le
processus d’adhésion à l’euro. Même diagnostic du côté de MESA 10 qui estime qu’il ne faut pas
trop se hâter. L’accession à l’euro interviendra naturellement avec un degré de convergence suffisant
de l’économie slovaque avec la zone euro.
La Chambre de Commerce a laissé entendre que les entreprises slovaques sans lien étroit avec
l’étranger et les PME slovaques étaient attirées par la stabilité que leur apporterait l’euro.
L’appréciation constante de la couronne slovaque contre laquelle la Banque Nationale ne peut rien,
les défavorise. Selon la Chambre de Commerce, le secteur économique « slovaque » serait donc
plus favorable que le secteur économique « slovaco-étranger » à une adhésion rapide à l’euro.
La délégation belge a fait part des efforts que la Belgique avait dû consentir pour maîtriser son
déficit public pour accéder à l’euro. Elle a précisé que les acquis sociaux avaient été préservés.

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FONDS EUROPÉENS : PAS SI FACILES À CAPTER
Les fonds européens sont attendus pour développer les infrastructures et réduire les disparités
régionales encore très marquées : la région de Bratislava atteint 101 % de la moyenne européenne
de PNB/habitant alors que le reste du pays a un taux de 39 %.
Nos interlocuteurs ont épinglé la difficulté de capter ces fonds européens. Les critères sont exigeants.
Après avoir accusé un retard sensible, l’administration est à présent en place. Un effort très
important a été réalisé en 2003 pour mettre à niveau la capacité administrative. Elle doit cependant
encore passer à l’épreuve des faits.
PRIVATISATION : D’ABORD SAUVAGE MAIS APPRIVOISÉE AUJOURD’HUI
Selon l’ONG MESA 10, la première phase du processus de privatisation ne semble pas avoir été
réalisée au mieux. Entre 1995 et 1998, c’est-à-dire sous le gouvernement du nationaliste Meciar,
la cession des entreprises publiques au privé se serait réalisée sans transparence et dans un
environnement de capitalisme sauvage (loi de la jungle). Il a fallu par la suite revitaliser les
entreprises privatisées.
Quatre-vingt pour cent de l’activité économique relève actuellement du domaine privé. L’État serait
encore impliqué dans des entreprises du secteur de l’énergie mais ici aussi la part du privé devrait
augmenter, la loi permettant dorénavant à l’État de céder plus de 49 % au secteur privé.
Le processus de privatisation aurait rapporté entre 400 et 500 milliards de couronnes slovaques
(entre 10 et 12,5 milliards d’euros). Ces fonds auraient été versés dans le Fonds de propriété
nationale régi par la loi. L’argent des privatisations servirait essentiellement à la réalisation des
réformes de l’économie.
Les fonds recueillis de la privatisation viendraient entièrement de l’étranger et principalement
d’Allemagne, de l’Autriche et des Pays-Bas. A titre d’exemple : Slovak Telecom aurait été acheté par
Deutsche Telecom, le secteur du gaz par Gaz de France, Lukos et Ruhr Gaz, le réseau de distribution
d’électricité par des entités françaises et allemandes.
Le secteur financier a également fait l’objet d’un ample processus de privatisation. Plusieurs de
nos interlocuteurs ont relevé qu’il était à présent assaini ce qui est particulièrement important
pour l’activité économique.
INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS : BIENVENUS MAIS AVEC CERTAINES RÉSERVES
Parallèlement aux capitaux étrangers dans le cadre des privatisations, la Slovaquie a attiré
d’importants investissements extérieurs. Les réformes économiques, fiscales en particulier (taxe
unique à 19 %) visent à créer un environnement attractif. Les autorités slovaques privilégient les
investisseurs de grande ampleur. Les avantages concédés en subsides sont fonction du volume
d’activité et d’emploi. Les PME n’ont pas d’accès aux aides publiques.
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C’est particulièrement le cas dans le secteur de l’automobile. Avec un investissement de 549
millions d’euros, VW est déjà implantée depuis plusieurs années. Peugeot avec 700 millions d’euros
et Hunday avec 1,1 milliard d’euros devraient commencer à produire plusieurs centaines de milliers
de véhicules dès 2006. La Slovaquie devrait ainsi devenir l’un des pays où le nombre de véhicules
produits par tête d’habitant sera le plus élevé.
La présence du géant américain de l’acier US Steel à Kosice (Est Slovaquie) fut également signalée
pour illustrer l’importance des investissements étrangers en Slovaquie.
Bienvenus, ces investissements étrangers font néanmoins l’objet de commentaires critiques
notamment du côté des employeurs slovaques. Ils exerceraient une pression à la baisse sur les
salaires. Ils bénéficieraient d’avantages considérables. Ils inciteraient les autorités à accélérer les
réformes pour favoriser le seul profit.
RÉFORMES : TOUJOURS EN COURS
Toujours en cours, ces réformes touchent plusieurs secteurs : fiscal, santé, retraites, organisation
administrative territoriale de l’État. Des commentaires de nos interlocuteurs avec lesquels l’on
n’est pas entré dans le détail, on en déduit les principes fondamentaux suivants : limiter le rôle de
l’État en tant qu’acteur économique, maintien de l’équilibre recettes/dépenses du budget de l’État
(contraction du déficit), responsabiliser le citoyen (il doit apprendre à ne plus tout attendre de
l’État, comme c’était le cas auparavant).
La réforme fiscale a été évoquée à plusieurs reprises. Elle a égalisé à 19 % toutes les formes de
taxations : TVA et impôts sur les revenus de particuliers et des entreprises.
La libéralisation des prix a été également une réforme importante. Elle a engendré un taux d’inflation
élevé en 2003 (8 %) en raison surtout de l’accroissement du prix de l’énergie qui jusqu’alors était
subventionné. On s’attend cependant à une stabilisation à l’avenir bien que certains de nos
interlocuteurs prévoient encore un taux de 10 % pour 2004. Pour l’heure, l’inflation dépasse la
croissance des salaires entamant ainsi le pouvoir d’achat de la population.
La réforme des retraites est également une priorité du gouvernement slovaque. L’exercice est
difficile compte tenu du passage rapide d’une économie communiste à l’économie de marché : la
masse des contributions financières sous l’ancien régime reste en deçà des besoins résultant du
nouvel environnement économique. Bien qu’indispensable pour assurer à l’avenir le versement des
retraites, la réforme paraît susciter l’inquiétude des pensionnés. Ceux-ci ne devraient recevoir que
150 euros en moyenne (Chambre de Commerce), un revenu mensuel insuffisant que le soutien
familial devra compenser.
Le marché de l’emploi retient également l’attention des autorités. Le taux de chômage reste très
élevé (17 %). Le chômage de longue durée, le défaut de mobilité des employés, des salaires peu
élevés (350 euros en moyenne dépendant des secteurs), l’inadéquation de la formation à l’évolution
de l’emploi (manque de personnel spécialisé dans certains secteurs) sont autant de facteurs de
préoccupation. Le travail au noir semble cependant compenser les défauts structurels du marché
de l’emploi. Certains estiment que le chômage réel ne dépasse pas 7 à 8 %.

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La bureaucratie reste un problème. Il faut compter deux mois pour créer une entreprise. Les
législations sont ambiguës. Il faudrait obtenir 37 signatures pour obtenir un permis de bâtir. Cet
imbroglio administratif facilite la corruption qui ne semble pas gêner certaines entreprises
étrangères.
Les syndicats slovaques se montrent assez critiques à l’égard du train de réformes du gouvernement
qui refuse le dialogue et n’écoute que le pouvoir de l’argent. L’égalisation à 19 % de la taxation a
été imposée sans débat et, comme la réforme des retraites, revient en fait à exiger des plus pauvres
la solidarité avec les plus riches. On assiste à une réduction de la protection sociale. Il s’agit de
dumping social. Le clivage entre riches et pauvres s’accentue. La majorité de la population stagne.
Le travail au noir nuit à la transparence du marché de l’emploi. La formation laisse à désirer.
PME : PLUTÔT DÉLAISSÉES SANS ÊTRE NÉGLIGÉES
Représentant 66 % de l’emploi, elles ne sont pas négligées. Elles bénéficient d’un réseau d’agences
administratives qui leur rendent des services d’accompagnement administratif. Des programmes
de formations leur sont ouverts. Elles sont soutenues pour des crédits qu’elles ont des difficultés à
obtenir du secteur bancaire faute de garanties essentiellement. Elles sont conseillées pour bénéficier
des fonds structurels européens.
Si des mesures sont prises pour les soutenir, les PME slovaques semblent bénéficier d’un régime
moins avantageux qu’en Belgique. Elles ne jouissent pas d’avantages fiscaux (pas d’exception aux
19 %). Par ailleurs, les autorités semblent avant tout concentrer leur attention sur les grandes
entités économiques escomptant que le développement de leurs activités ait des retombées posi-
tives sur les PME.
DIALOGUE SOCIAL : ZIZANIE CHEZ LES EMPLOYEURS ...
Sur le plan social, notons que si les grandes lignes de la politique économique semblent bien
tracées, la concertation sociale paraît plus floue. De l’aveu de la plupart des interlocuteurs, les
partenaires sociaux ne semblent visiblement plus entretenir de dialogue. Dans cette phase de
transition que traverse la société slovaque, les acteurs sociaux ne s’affirment pas encore
véritablement.
Vieille de treize ans, l’Association des employeurs de Slovaquie vient de connaître une scission
d’une partie de ces membres qui ont constitué une nouvelle association concurrente. Les deux
groupes représentent à peu près le même poids dans la contribution au PIB et en termes d’emplois.
Les deux groupes soutiennent les réformes économiques du gouvernement. Ils divergent cependant
sur la cadence de mise en œuvre. Réunissant encore les patrons d’entreprises essentiellement
slovaques (secteurs de l’énergie, chimie, verre et agro-alimentaire), l’Association « ancienne »
prêche la patience et se montre plus ouverte au dialogue social tout comme au modèle social
européen. Ayant attiré les entreprises à composante étrangère plus marquée (investisseurs étrangers
notamment dans le secteur automobile et la grande distribution), la « nouvelle » association veut
accélérer les réformes et penche plus vers le modèle social américain.
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... SYNDICATS PEU EXPÉRIMENTÉS ET MANQUANT DE MOYENS DE PRESSION
La Confédération des Syndicats réunit 570.000 membres. Parallèlement, un syndicat chrétien
réunit 10.000 membres. Les relations entre les deux entités ont été interrompues suite au soutien
que le syndicat chrétien aurait accordé au gouvernement.
La Confédération se défend de faire de la politique comme l’en accuse le gouvernement. Elle se
montre critique à l’égard de la politique économique. Soutenue par le principal parti d’opposition
SMER (socialiste-populiste), elle a provoqué un récent referendum pour demander des élections
anticipées. 36 % des électeurs les auraient réclamées. En deçà des 50 % requis, le résultat du
referendum est resté sans effet. En dépit du message politique de cette masse d’électeurs, le
gouvernement poursuit sur sa lancée sans dévier.
Face à cette situation, certains reconnaissent que les syndicats étaient fort démunis. Ils ne sont
pas contre l’entreprise mais s’élèvent contre les réformes sévères imposées. Apparemment peu
expérimentés, ils semblent être en peine à offrir des alternatives fondées. Leurs moyens de pression
semblent également limités. La convocation d’une grève générale ne serait ainsi pas encore
envisageable en Slovaquie.
AUTORITÉ POLITIQUE : PEU OUVERTE AU DIALOGUE ?
Pour certains, les syndicats n’ont pas évolué depuis plus de trente ans. Seule la forme a changé
sans qu’il n’y ait eu d’épuration. En soutenant récemment l’opposition parlementaire, ils sont
entrés en politique, un champ qui ne relève pas de leurs compétences. Les dirigeants syndicaux
sont coupés de leur base. Ils l’entraînent dans la contestation sans qu’il y ait de raisons sensées.
Il faut briser leur monopole sur le dialogue social pour l’ouvrir à d’autres partenaires sociaux.
D’autres interlocuteurs ont confirmé la méfiance que le gouvernement porte aux syndicats partout
taxés de faire de la politique. Pour certains, le gouvernement veut même réduire à sa plus simple
expression la concertation sociale. C’est une tendance que l’Association « ancienne » des patrons
a relevée, laissant entendre que les investisseurs étrangers l’entretenaient. Cette même Associa-
tion a aussi noté que le gouvernement traitait la question du dialogue social de façon peu
professionnelle. A la Confédération des Syndicats, le constat est évidemment similaire. L’on a ainsi
noté que le gouvernement voulait interrompre les négociations collectives sectorielles pour les
cantonner à l’échelon des entreprises.
La législation prévoit l’encadrement du dialogue social tripartite. Dans les faits il est visiblement
suspendu à croire les commentaires de la plupart de nos interlocuteurs. La méfiance des autorités
politiques au pouvoir, les dissensions dans le camp des patrons et l’apparente impuissance de la
principale confédération syndicale sont autant de facteurs qui ne devraient pas faciliter sa
restauration. De nouvelles bases de dialogue sont toutefois annoncées pour l’automne 2004.

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RÉACTIONS DE LA DÉLÉGATION DU CCE
Avant tout à l’écoute des réponses à ses questions générales et plus précises sur la situation
économique et sociale, la délégation du CCE a réagi aux propos de nos interlocuteurs en relevant les
principaux points suivants.
A chaque entretien, le modèle de concertation sociale belge a été brièvement exposé ainsi que le
rôle et la mission du CCE. Ce modèle permet de préserver le dialogue social indispensable dans un
environnement économique en mutation rapide. Les acteurs sociaux slovaques semblent visiblement
encore très éloignés d’un tel modèle de dialogue. La délégation du CCE n’a pas caché certaines
craintes en la matière.
Où commence la politisation du dialogue et où s’arrête-elle ? La limite est parfois difficile à tracer.
Refuser le dialogue parce qu’il entrerait dans le champ politique aux contours imprécis, est-ce la
solution ? Les problèmes concrets en sont-ils mieux cernés et réglés ? Remettre en cause certaines
mesures relève-t-il de la politique ?
Le dialogue social ne touche pas seulement les relations et conditions de travail. Il participe à
l’échange indispensable que toute société doit entretenir dans un exercice de réflexion constant sur
le modèle de coexistence le plus approprié à l’épanouissement de chacun. Il contribue à l’élaboration
du projet de société. Et cela sera d’autant plus important à l’échelle européenne.
Divers points plus techniques ont ensuite été abordés. Ils ont surtout touché l’accession de la
Slovaquie à l’euro, les conditions de création d’entreprises en Slovaquie, la relation inflation/
salaires, les retraites, la reprise de l’acquis communautaire, le pacte de stabilité, les privatisations,
la régulation des marchés.
VIGILANCE !
En conclusion, on peut dire que, la visite de la délégation du CCE a permis de prendre le pouls de
l’ambiance économique et sociale en Slovaquie. Les rencontres avec les représentants des principales
entités impliquées dans la vie économique et sociale slovaque ont permis de photographier la
situation. Cette photographie reflète une tendance très nette vers un modèle assez éloigné de celui
suivi en Belgique. L’avenir dira si cette tendance se confirmera ou pas. Son constat conforte
néanmoins le sentiment qu’il conviendra de rester très vigilant à l’échelle européenne. Car la
Slovaquie n’est peut-être pas un cas à part, surtout parmi les nouveaux membres de l’UE. Et l’on
peut croire que, comme d’autres, elle utilisera l’UE pour consolider, à court terme du moins, ses
vues. Le maintien de l’unanimité dans les matières fiscales et sociales ne facilitera pas la défense
de nos vues…
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ACTUALITÉS
Conseil central de l’économie
DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le 24 août 2004, s’est déroulée une première audition (organisée conjointement par le CCE, le CNT
et le CFDD) dans le cadre de la préparation de l’avis sur le réexamen de la stratégie européenne de
développement durable avec des exposés introductifs de Vicky POLLARD (DG Environnement)
1
et
Messieurs M. RIBBE et M. EHNMARK (Comité économique et social européen)
2
.
COMPÉTITIVITÉ STRUCTURELLE
Le 15 septembre dernier, la sous-commission compétitivité structurelle a reçu les professeurs Leo
Sleuwaegen et Koen De Backer de la KUL. A cette occasion, ceux-ci ont tenté de dresser un
diagnostic de la compétitivité de la Belgique et de la Flandre sur base de leur « Rapport over het
concurrentievermogen van de vlaamse economie ».
PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE
La sous-commission « Cadre financier de l’Union européenne » a poursuivi, le 3 septembre 2004,
ses travaux préparatoires à l’émission, par le Conseil central de l’économie, d’un avis d’initiative
portant sur le prochain cadre financier envisagé pour l’Union européenne et sur les prévisions
budgétaires qui en découlent. Eu égard à la technicité des propositions déposées en cette matière
par la Commission européenne le 14 juillet, il a été convenu de s’en tenir, pour l’instant, aux lignes
directrices tracées par la Commission dès le mois de février dernier dans la communication
« Construire notre avenir commun : défis politiques et moyens budgétaires de l’Union élargie
2007-2013 » (doc. COM(2004) 101). En l’occurrence, la sous-commission du CCE a opté pour la
préparation d’un projet d’avis axé sur quatre points : le plafond des moyens budgétaires annoncés,
la structure des dépenses, la solidarité entre Etats membres et le futur des ressources propres de
l’Union. Les partenaires sociaux sont partisans d’une prise de position rapide, laissant ouverte la
possibilité de développements ultérieurs.
SOCIÉTÉ EUROPÉENNE
Trente après la première proposition de Société européenne, celle-ci a enfin vu le jour le 8 octobre
2001 (connue sous le nom latin de « Societas Europaea ». Cette nouvelle législation, qui entrera
en vigueur en octobre 2004, a pour objectif de permettre aux entreprises de conformer leur struc-
ture juridique à leur structure européenne déjà existante. En créant la Société européenne, l’Europe
souhaite permettre aux entreprises de fusionner, de créer une société de holding ou une filiale
européenne sans pour autant se heurter à des obstacles juridiques ou pratiques résultant d’une
Europe à vingt-cinq aux vingt-cinq codes juridiques différents. Cette « européanisation » du
droit des sociétés va de pair avec une globalisation des droits des travailleurs, à savoir la manière
d’impliquer les travailleurs dans la Société européenne et la reconnaissance de leur position et de
leur rôle dans l’entreprise.
1
C.f. « Consultation publique. Réexamen de la stratégie de l’UE en faveur du développement durable », doc. SEC(2004) 1042 du
30.07.2004)
2
C.f. Avis exploratoire du Comité Économique et Social Européen (doc. NAT/229 – CESE 661/2004 du 28.04.2004)

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Lettre Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
Les objectifs susmentionnés ont été couchés dans deux textes : le Règlement (CE) n° 2157/2001 du
Conseil sur le statut de la Société européenne et la Directive 2001/86/CE du Conseil, complétant le
statut de la Société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs.
En l’occurrence, cette dernière directive à été soumise pour examen à la commission mixte « Société
européenne » du Conseil National du Travail et du Conseil central de l’économie. Elle reconnaît le
rôle essentiel des partenaires sociaux à l’égard de l’implication des travailleurs dans les sociétés.
La directive précise notamment que « les Etats membres adoptent les dispositions législatives,
réglementaires et administratives pour se conformer à la présente directive ou s’assurent que les
partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires » (article 14 de la directive). Des
négociations en vue de la conclusion d’une convention collective de travail au sein du Conseil
National du Travail ont actuellement cours. Le résultat de ces négociations devrait faire l’objet d’un
rapport dans un de nos prochains numéros de la Lettre mensuelle.
CONCURRENCE
Mi-septembre, la Commission de la Concurrence a reçu une demande d’avis de la part de Monsieur
Verwilghen, Ministre de l’Economie, relative à l’adaptation des règles de notification des concen-
trations, telles que figurant dans la Loi sur la Protection de la Concurrence économique.
La note d’accompagnement du cabinet des Affaires économiques précise que l’application de la Loi
sur la Protection de la Concurrence montre qu’il existe un déséquilibre dans l’utilisation des moyens
des autorités de la concurrence et que relativement trop de moyens sont consacrés à l’examen de
notifications de concentrations qui, ultérieurement, s’avèrent ne pas mettre en péril outre mesure
la concurrence. Ce sont ainsi autant de moyens en moins dans la lutte contre les pratiques
restrictives de la concurrence.
Depuis l’introduction, au 1
er
mai, du Règlement européen 1/2003 qui décentralise vers les Etats
membres la politique européenne en matière de pratiques restrictives de la concurrence, une
adaptation des règles de concentration s’avère encore plus indispensable.
Lors du Conseil des Ministres des 16 et 17 janvier 2004 qui s’était tenu à Gembloux, il fut décidé
qu’un groupe de travail se pencherait sur la fixation des seuils de concentration afin d’alléger la
charge de travail provenant des dossiers de concentrations.
Au terme de l’analyse des chiffres sur les notifications et de la comparaison des règles belges avec
celles en vigueur dans les autres pays européens, le groupe de travail, qui a été constitué par le
Ministre de l’Economie, en est arrivé à des constatations qui ont été couchées dans un projet visant
à permettre l’adaptation des règles de notification des concentrations.
Les travaux de la Commission de la Concurrence relatifs à ce projet feront l’objet d’un rapport dans
les prochains numéros de la Lettre mensuelle.
DIRECTIVE SERVICES
Le 13 septembre dernier, à la veille de l’actualisation de la position du gouvernement belge en la
matière, la sous-commission « Libéralisation des services », a accueilli M. Eric Van den Abeele de
la Représentation permanente belge auprès de l’Union européenne afin qu’il lui présente les derniers
développements du dossier lié au « Projet de directive sur les services dans le marché intérieur ».
La sous-commission poursuivra ses travaux, début octobre, par une audition de M. Jean-Marie Van
De Sande du SPF Économie.
Conseil central de l’économie

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ACTUALITÉS
Autres organes de concertation
LE SER ÉTABLIT UN BILAN PROVISOIRE DE LA STRATÉGIE DE LISBONNE
Le Conseil économique et social des Pays-Bas (Sociaal-Economische Raad SER) a émis, en juin
2004, à la demande du Gouvernement, un avis sur la façon dont la stratégie de Lisbonne est mise
en œuvre par les Etats membres et par l’UE.
Selon le SER, la recherche d’une croissance économique durable combinée au maintien des valeurs
sociales et écologiques est plus actuelle que jamais. La sauvegarde à l’avenir d’un niveau de vie
élevé associé à une bonne qualité de vie doit s’inscrire dans le contexte du vieillissement, des
changements technologiques rapides et de la mondialisation de l’économie.
Ces quatre dernières années, peu de progrès ont cependant été engrangés, selon le SER, par
rapport à la réalisation des objectifs de Lisbonne parce que
- les Etats membres agissent trop peu pour que disparaissent les problèmes que connaît le
marché intérieur tels que la mobilité du travail, les services transfrontaliers, le brevet
communautaire, l’introduction et l’application de la législation du marché intérieur ;
- la politique européenne de la connaissance et de l’innovation n’est pas suffisamment développée :
les investissements en R&D et enseignement sont trop faibles et la croissance de la productivité
du travail est trop lente ;
- les Etats membres n’ont pas suffisamment pris au sérieux les défis à relever.
Le Conseil socio-économique envisage la réalisation de l’agenda de croissance européen selon deux
pistes en matière de politique à mener : premièrement, l’UE pourrait par le biais d’un renforcement
du marché intérieur (y compris une meilleure utilisation des potentiels européens de connaissance
et d’innovation) améliorer sa compétitivité et donner une impulsion à la croissance.
La seconde piste passe par les gouvernements et parlements nationaux qui devraient placer les
objectifs de Lisbonne au centre de leur politique nationale en matière de croissance. Que l’on pense
à cet égard au rôle et à la collaboration des partenaires sociaux : divers objectifs de Lisbonne sont
formulés en termes de relèvement de la participation des travailleurs et de productivité du travail.
Cela requiert des ajustements de la politique dans les domaines tels que le fonctionnement du
marché du travail, les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, les investissements en
recherche et développement, la modernisation des systèmes de sécurité sociale, d’impôts et de
pension et enfin des changements dans l’organisation du travail.
Le texte complet de l’avis peut être consulté sur le site www.ser.nl.

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Lette Mensuelle Socio-économique - septembre 2004
AU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL FRANÇAIS
Lors de sa séance du 7 juillet 2004, le Conseil économique et social français a émis un avis sur
« Les relations entre l’Union européenne et la fédération de Russie ».
Suite à l’élargissement de l’Union européenne vers l’Est, la Fédération de Russie est devenue un
voisin immédiat de l’Union Européenne, mais également un partenaire de première importance du
fait de son rôle géopolitique et économique.
Au regard des nouveaux défis que sont le terrorisme, les migrations ou la protection de
l’environnement, le Conseil économique et social propose et esquisse dans cet avis, les contours
d’un véritable partenariat entre les deux entités par le renforcement des relations économiques,
sociales et culturelles.
Par ailleurs, en sa séance du 31 août 2004, le Conseil économique et social français a adopté à la
demande du gouvernement un avis sur l’avant-projet de loi de programmation relative à la
cohésion sociale.
Dans plusieurs de ses avis antérieurs, le Conseil économique et social avait déjà prôné une
approche globale des problèmes de l’exclusion. L’avant-projet de loi de programmation pour la
cohésion sociale adopte ce principe en traitant conjointement au sein de ses trois titres : l’emploi,
le logement et l’égalité des chances.
Tout en adhérant à la démarche, le Conseil a proposé dans son avis des améliorations et des
compléments au projet gouvernemental dont il était saisi, afin de mettre en perspective l’ensemble
des acteurs et des mesures propres à renforcer la cohésion sociale.
Pour tout détail concernant ces avis, le lecteur pourra se référer au site internet du Conseil
économique et social francais : www.ces.fr.
Autres organes de concertation

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Conseil Central de l’Economie
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Le Conseil central de l’économie, institué en 1948, rassemble les interlocuteurs sociaux. Son
objectif est d’associer les représentants de la politique économique. Sa compétence s’étend à tous
les problèmes relatifs à l’économie; elle est uniquement consultative. Son apport spécifique est de
susciter la confrontation des vues et le dialogue entre ses membres.
Le Conseil est donc à la fois, d’une part, un carrefour d’idées où se confrontent les opinions et où
s’élaborent des propositions communes où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers et,
d’autre part, un rouage de la politique économique, le Conseil traduisant ses propositions sous
forme de synthèses à l’intention des responsables de la politique économique.
Le secrétariat du Conseil a la double mission d’assurer les services de greffe et d’économat et de
réunir la documentation relative aux travaux du Conseil. Au fil des ans, il a développé cette
seconde fonction. Ses études détaillées ont trait aux problèmes soumis à l’examen du Conseil,
mais également à des sujets sur lesquels il estime qu’il faut attirer l’attention des interlocuteurs
sociaux et des responsables politiques. De plus, le secrétariat publie régulièrement des notes
d’information générale et des dossiers statistiques divers. Dans ce cadre, le secrétariat tire profit
des relations privilégiées qu’il entretient avec les services d’études des institutions économiques
nationales et internationales.
La Lettre mensuelle socio-économique s’inscrit dans la mission d’étude et de documentation du
secrétariat. Celui-ci est seul responsable de son contenu.
Robert Tollet
Président
Luc Denayer
Secrétaire
Ton Harding
Secrétaire adjoint
Une mission d’étude et de documentation
SECRÉTARIAT CCE

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Avenue de la Joyeuse Entrée 17-21 1040 Bruxelles
Tél : 02 233 88 11
Fax : 02 233 89 12 E-mail : mail@ccecrb.fgov.be




Created: 19 Dec 2004 – Last modified: 18 Aug 2012